Monologues

Monologues classiques

1. JEAN (Garçon) -> Québécois

Envoie-donc, Marie… Je me ronge les sangs, puis ça fait un bon bout de temps, à cause de toi. Tu le sais là. Je devrais pas te le dire, tu vas rire de moi. Je mets peut-être la charrue devant les bœufs en te disant ça, mais… Ah ! Je dois être rouge comme une tomate… tu dois me trouver niaiseux, hein ? En tout cas, c’est clair comme de l’eau de roche.. Puis, c’est pas te conter fleurette si je te dis que… que… J’ai les deux pieds dans la même bottine, bonyenne !… Je te cours après, Marie. Je pense à toi et c’est pas d’hier. C’est ça, gênes-toi pas, ris-moi ne pleine face, j’ai le dos large.
Yves Sauvageau, JEAN ET MARIE

2. Antigone (fille) -> International

Comprendre… Vous n’avez que ce mot-là à la bouche, tous, depuis que je suis toute petite. Il fallait comprendre qu’on ne peut toucher à l’eau, à la belle eau fuyante et claire parce que ça mouille les dalles, à la terre parce que ça tache les robes. Il fallait comprendre qu’on ne doit pas manger tout à la fois, donner tout ce qu’on a dans les poches au premier mendiant qu’on rencontre, courir, courir dans le vent jusqu’à ce qu’on tombe par terre et boire quand on a chaud et se baigner quand il est trop tôt ou trop tard, mais pas juste quand on en a envie ! Comprendre. Toujours comprendre.. Moi, je ne veux pas comprendre, Je comprendrai quand je serai vieille… Si je deviens vieille… Pas maintenant.
Jean Anouilh, ANTIGONE

3. Paolino (sous menace de mort) (Garçon) -> International

Vous m’insultez ! Je suis un homme honnête, moi ! Je suis un homme de conscience, moi ! Je suis un homme qui peut arriver à se trouver, bien sûr –sans le vouloir – dans une situation désespérée. Mais ce n’est pas vrai, pas vrai que je voudrais me servir des femmes des autres. Parce que s’il en était ainsi, je ne vous aurais pas dit ce que je viens de vous dire, qu’un mari ne devrait jamais négliger sa femme. Et j’ajoute maintenant qu’un mari qui néglige sa femme commet, selon moi, un crime ! Et pas rien qu’un ! Plusieurs crimes ! Parce que non seulement il oblige sa femme à manquer à ses devoirs en envers elle-même, envers son honnêteté, mais parce qu’il peut aussi obliger un homme, un autre homme, à être malheureux toute sa vie. Eh oui !
Luigi Pirandello, L’HOMME LA BÊTE ET LA VERTUE

4. Électre (Fille) -> International

C’est justement ce que je ne peux pas supporter d’elle, qu’elle m’ait mis au monde. C’est là ma honte. Il me semble que par elle, je suis entrée dans la vie d’une façon équivoque et que sa maternité n’est qu’une complicité qui nous lie. J’aime tout ce qui, dans ma naissance revient à mon père. J’aime à ses yeux son cerne de futur père, j’aime cette surprise qui le remua le jour où je suis née, à peine perceptible, mais d’où je me sens issue plus que des souffrances et des efforts de ma mère. Je suis née la nuit d’un profond sommeil, de sa maigreur de neuf mois, des consolations qu’il prit avec d’autres femmes pendant que ma mère me portait, du sourire paternel qui suivit ma naissance. Tout ce qui est de cette naissance du côté de ma mère, je le hais.
Jean Giraudoux, ELECTRE

5. Bertha (Fille) -> Québécois

Si c’est une chance qui s’offre à toi, ma p’tite fille, manque-la pas ! Ton Bonheur c’est toi qui le fais. Moi, si ma vie était à recommencer, j’y penserais deux fois… Ma vie… Je suis encore bonne d’appeler ça une vie. J’aurais pas dû me remarier. Je l’ai fait parce que j’avais pas envie d’être obligée de laver des planchers d’un bord pis de l’autre de la ville. Je l’ai fait pour être capable de vous faire vivre, Armand pis toi. J’ai accroché le premier veuf qui m’est tombé sous la main. Il m’a rien donné. A part fleurette, rien… Pis un jour, tu vieillis pis t’engraisse, les enfants t’insultent dans la rue, mais t’as pas les moyens de te défendre… Même si tu voulais te défendre, tu sais à l’avance que c’est inutile. T’es pas plus qu’un chien, tu vis comme un chien pis tu meurs comme un chien. Je te le dis, Marguerite, lasse-toi pas prendre comme moi.
Marcel Dubé, UN SIMPLE SOLDAT

6. Cécile (fille) -> International

Mais, on ne me dit rien, de sorte que, dans l’ignorance où je suis, je commets bien des bêtises. Par exemple, hier, maman m’a dit de passer chez elle. Si c’était le monsieur qu’elle voulait me présenter, me dis-je ! En entrant chez maman, j’ai vu le monsieur en noir, debout près d’elle. La main me tremblait et le cœur me battait. Je me suis assise sur un fauteuil, bien rouge et bien déconcertée. J’y étais à peine que voilà cet homme à mes genoux. J’ai alors perdu la tête. Je me suis levée en jetant un cri perçant… comme lorsqu’il fait tonnerre. Maman est partie d’un éclat de rire en me disant : « eh bien, qu’avez-vous ? Donnez votre pied à monsieur… » Le monsieur était cordonnier. Je ne peux pas vous rendre combien j’ai été honteuse.
Choderlos de Laclos, Paul Achard, LES LIAISONS DANGEREUSES

7. Judith (Fille) -> Québécois
Non, non, Jacqueline. Chus pas venue pour ça, pis tu l’sais. Ça fait longtemps que j’te l’ai écrit d’la mettre dans une place où on s’occuperait d’elle. Ça fait longtemps que j’tai dit que j’m’en occuperais pas, pis qu’tu pouvais prendre toute son argent pour qu’elle aye les meilleurs soins, le meilleur personnel. C’est son argent, c’est sa maladie, c’est sa vie pis sa mort. Je l’vivrai pas pour elle, certain. Y a quat’cinq ans, quand tu m’as écrit qu’a était Alzeimer, c’est ça que j’t’ai dit. Rien d’autre. C’tu vrai ou ben c’pas vrai ? Tu veux sauver ta mère comme si c’était ta vie qu’tu sauvais. C’est d’tes affaires. Mais moi, c’est pas ma game. Pis arrête de vouloir toutes nos enrôler dans l’opération sauvetage. T’es comme elle. Quand t’as quelle chose dans la tête, faut qu’tout le monde fasse comme t’as décidé, pis tu nous tuerais pour avoir c’que tu veux. Sauves-la si tu peux, mais embarque mois pas l’a-d’dans. Ni moi, ni Micheline, as-tu compris ?
Marie Laberge, OUBLIER

8. CYRANO -> International
Ah ! non ! C’est un peu court, jeune homme !
On pouvait dire… Oh ! Dieu !… bien des choses en somme…
En variant le ton, par exemple, tenez
Agressif : « Moi, monsieur, si j’avais un tel nez, il faudrait sur-le-champ que je me l’amputasse ! »
Descriptif : « C’est un roc !… c’est un pic !… c’est un cap ! Que dis-je, c’est un cap ?… C’est une péninsule ! »
Tendre : « Faites-lui faire un petit parasol de peur que sa couleur au soleil ne se fane ! »
Cavalier : « Quoi, l’ami, ce croc est à la mode ? Pour pendre son chapeau, c’est vraiment très commode ! »
Dramatique : « C’est la Mer Rouge quand il saigne ! »
Admiratif : « Pour un parfumeur, quelle enseigne ! »
Naïf : « Ce monument, quand le visite-t-on ? »
Militaire : « Pointez contre cavalerie ! »
– Voilà ce qu’à peu près, mon cher, vous m’auriez dit
Si vous aviez un peu de lettres et d’esprit
Mais d’esprit, ô le plus lamentable des êtres,
Vous n’en eûtes jamais un atome, et de lettres
Vous n’avez que les trois qui forment le mot : sot !
Eussiez-vous eu d’ailleurs l’invention qu’il faut
Pour me les servir devant cette noble galerie.
Je me les sers moi-même, avec assez de verve,
Mais je ne permets pas qu’un autre me les serve.
Rostand Edmond, CYRANO DE BERGERAC

9. Anne (Fille) -> Québécois
Écoute moi un peu, Télesphore Archambault. Si je me suis embarquée sur le plus beau bateau du monde, le plus grand, la merveille technique moderne, c’est quand même pas pour m’en sauver dans un canot à rame avec la ceinture pneumatique accrochée au cou comme une bavette de bébé. Et puis, veux-tu que je te dise, « Les femmes et les enfants d’abord », je trouve ça niaiseux. Devant la mort, tout le monde a le même poids, le même âge, le même sexe. Personne n’y comprend rien et surtout pas les humains. Un chien, une fourmi, une plante en savent autant là-dessus et peut-être même plus que n’importe quel humain… Me sauver ? Pour quoi faire ? Pour préserver tout ça, toutes ces catégories ? Ces casiers à remplir comme dans ton épicerie. Ça n’aurait pas d’allure. Ça n’aurais aucun sens.
Jean-Pierre Ronfard, LE TITANIC

10. Francine (Fille) -> Québécois
Bon écoutez ! On peut pas dire que je suis venue en thérapie parce que j’étais en dépression profonde, hein ? Claudette tantôt, elle disait : « Si toi t’es déprimée, moi je suis au bord du suicide. » (elle ricane) Je veux dire que je suis ici parce que, à un moment donné, ben, y’a trois mois, à peu près, j’ai réalisé qu’effectivement y’étais peut-être temps que j’envisage le paradoxe de ma vie, vous savez ? Ben, j’aime ma job au journal, j’ai des projets, j’ai des amis, j’ai une vie sociale assez intéressante, c’est un peu comme si mon seul problème dans la vie c’est d’être « grasse », mais j’veux dire… à un moment donné, ça m’a comme sauté aux yeux.. ben. Ce que je comprends, c’est que mon problème de poids a pas grand-chose à voir avec ma volonté. J’veux dire, comment ça se fait que je réussis dans tout, pis ce que je désire le plus au monde, être mince, j’y arrive pas ? C’est à peu près ça que je vous avais dit la première fois, hein ?
Jacqueline Barrette, LES LARMES VOLÉES

11. Dona Francisca -> International
Tout ce que j’apprenais de lui me le faisait aimer chaque jours d’avantage. J’étais sûre qu’il m’aimait. Toutefois il se faisait un scrupule de m’avouer sa passion. Je résolus donc à lui parler la première et de s’obliger de se déclarer. Souvent, j’amenais une conversation détournée, afin d’amener de bien loin le mot amour et quand venait le moment de prononcer le mot magique, je manquais de courage et je n’osais. Enfin, un soir, nous dansions dans le jardin, et lui, debout, adossé contre un arbre nous regardait. En tournant devant lui. Une fleur qui était dans mes cheveux tomba à ses pieds. D’abord il fit semblant de ne pas s’en apercevoir, mais il laissa tomber son mouchoir négligemment sur la fleur, puis il se baissa pour le ramasser et il ramassa la fleur en même temps.
Prosper Mérimé, L’OCCASION

12. Lucy (fille) -> International
C’est du baratin, tout ça. Quand tu voulais me séduire, au début, tu ne parlais pas comme ça. J’allais faire renaître ton espoir, j’allais te régénérer, inaugurer pour toi une vie nouvelle. Tu n’es pas une épave, Léopold, tu es un vulgaire démagogue. Tu dirais n’importe quoi, tout ce qui t’arranges. Tu as eu tout ce que tu voulais et maintenant tu veux te débarrasser de moi. Tu me parles de ton désarroi ! Foutaises, oui ! Tu veux me faire comprendre que j’ai rien à attendre de toi et en plus, tu veux te faire plaindre. C’est malhonnête. Ce sont des grands mots, mais tu ne m’auras pas comme ça. Oh ! Comme j’ai été bête, bête à pleurer. Croire que je pourrais te faire partager mes sentiments, te redonner goût à la vie ? Tu parles ! Tu es un cas désespéré. C’est bien fait pour moi. Une illusion de moins.
Vaclav Havel, LARGO DESOLATO

13. L’infirmière (fille) -> International
J’en ai assez qu’on se moque de moi. J’en ai plein le dos de vos propositions ridicules. À quoi bon persister quand vous savez très bien que c’est impossible ? Pourquoi poser toujours et sans fin la même question, quand vous connaissez parfaitement la réponse ? Est-ce vraiment ça qui vous amuse ? Je ne vois pas quel genre de plaisir vous pouvez trouver à vous obstiner comme ça ! Vous m’aimez ? Et que voulez-vous que ça change ? Même si c’est vrai ! Le preux chevalier amoureux brandit sa lance et la triste réalité doit ramasser ses jupes en glapissant et prendre ses jambes à son cou ? Mon preux chevalier, dont la seule véritable intention dans toute cette affaire, si l’on y songe bien, et comme il l’a avoué lui-même dès le début, est et a toujours été de pouvoir m’attirer facilement dans son lit ?
Edward Albee, LA MORT DE BESSIE SMITH

14. Sonia (seule) -> International
Il ne m’a rien dit… Son âme et son cœur me sont encore fermés, mais pourquoi alors est-ce que je me sens tellement heureuse ? (elle rit de bonheur) Je lui ai dit : Vous êtes séduisant, généreux, votre voix est douce… Est-ce déplacé ? Sa voix vibre et caresse… la voilà, je la sens dans l’air… Quand je lui ai dit qu’avec lui je sentais la terre s’arrêter, le soleil briller d’avantage, il n’a pas compris… Ou, peut-être ne voulait-il pas comprendre ? Oh, comme il est atroce d’être laide ! Comme c’est atroce ! Et je sais que je suis laide, je le sais, je le sais… L’autre dimanche, comme nous sortions de l’église, j’ai entendu qu’on parlait de moi, une femme disait : « Elle est bonne, généreuse, comme c’est dommage qu’elle ne soit pas jolie »… Je suis laide !…

15. Rose-aimée (Adapté du texte original) -> Québécois
Ris pas, c’est sérieux. Maurice fait de moi une sorte de madone juchée sur un piédestal. Je ne suis plus une femme, mais une muse, une colombe, une Diva, comme la grande Céline Dion. Je ne peux pas imaginer rester pour lui une idole qu’on admire en restant muet ! La vie de ménage avec lui, c’est terrifiante à envisager… Je vais me fatiguer de cet amour. Je vais me sentir étouffer de toutes ses attentions, de ses prévoyances. Toute une vie de cet amour trop grand, inégal m’effraie. Toute une vie de routine, de train-train quotidien, avec cet homme… le même homme… Il m’énerve ! Mais pourquoi ? Il est tout ce qu’une femme peut rêver : un amour inconditionnel et constant. Non, Manon, si tu le veux, je te le laisse. Je ne suis pas prête pour ça… je veux rester libre… Ah ! Il m’énerve.

16. Martha (après un silence, avec une passion croissante) -> International
Tout ce que la vie peut donner à un homme lui a été donné. Il a quitté ce pays. Il a connu d’autres espaces, la mer, des êtres libres. Moi, je suis restée ici. Je suis restée, petite et sombre, dans l’ennui, enfoncée au cœur du continent et j’ai grandi dans l’épaisseur des terres. Personne n’a embrassé ma bouche. Mère, je vous le jure, cela doit se payer. Et sous le vain prétexte que mon frère est mort, vous ne pouvez vous dérober au moment où j’allais recevoir ce qui m’est dû. Comprenez donc que, pour un homme qui a vécu, la mort est une petite affaire. Nous pouvons oublier votre fils et mon frère. Ce qui lui est arrivé est sans importance : il n’avait plus rien à connaître. Mais moi, vous me frustrez de tout et vous m’ôtez de tout ce qu’il a eu ! Faut-il donc qu’il m’enlève encore l’amour de ma mère et qu’il vous emmène pour toujours dans sa rivière glacée.

17. Truffaldin, seul -> International
Je n’en peux plus, j’en au par-dessus la tête d’attendre. Avec ce maître qui est le mien, on mange peu, et ce peu, il vous le fait soupirer après. Il y a une demi-heure que midi a sonné au carillon mais il doit bien avoir deux heures qu’il a sonné au carillon de mon estomac. Si seulement je savais où nous allons loger. La première chose que font les autres, dès qu’ils arrivent en ville, c’est d’aller à l’auberge. Mais lui, non ! Il laisse ses bagages à la fontaine, il va faire des visites et il ne pense pas à son pauvre valet ! Quand on nous a dit qu’il faut servir son maître avec amour, on devrait bien dire aussi aux maîtres d’avoir un peu de pitié pour leurs serviteurs. Tiens ! Une hôtellerie ! Pou un peu, j’irai voir si dans cette hôtellerie il n’y aurait pas quelque chose à se mettre sous la dent. Mais si mon maître me cherche ? Tant pis pour lui, ça lui apprendra un peu à se conduire de la sorte. Oui, je vais y aller… mais j’y pense… il y a une petite difficulté : J’oubliais que je n’ai même pas un petit sou. Oh pauvre truffaldin !
Goldoni, Le valet de deux maîtres

18. Hamlet -> International
Être ou ne pas être, telle est la question. Y a-t-il pour l’âme plus de noblesse à endurer les coups et les revers d’une injurieuse fortune, ou s’armer contre elle pour mettre frein à une marée de douleurs ? Mourir : Dormir; c’est tout. Calmer enfin, dit-on, dans le sommeil les affreux battements de mon cœur; quelle conclusion des maux héréditaires serait plus dévotement souhaitée ? Mourir, dormir; dormir… rêver peut-être. C’est là le hic ! Car, échappé des liens charnels, si, dans ce sommeil du trépas, il nous vient des songes… halte-là ! Cette considération prolonge la calamité de la vie. Car, sinon, qui supporterait du sort les soufflets et les avanies, les torts de l’oppresseur, les outrages de l’orgueilleux, les affres de l’amour dédaigné, les remises de la justice, l’insolence des gens officiels, les rebuffades que les méritants rencontrent auprès des indignes, alors qu’un petit coup de pointe viendrait à bout de tout cela !
Shakespeare, Hamlet

19. Fanny
Tu étais le père d’un petit bâtard dont la naissance était un désastre pour la famille. Le père d’un enfant sans nom, porté par une pauvre fille dans la honte et le désespoir.. Un pauvre enfant de dispensaire ou d’hôpital. Où est-il cet enfant ? Il n’existe plus, ce n’est pas le mien. Le mien, il est né dans un grand lit de toile fine, entre les grands-mères et les grande-tantes, un beau-frère qui était venu tout juste exprès pour entendre le premier cri. De partout où vivaient les parents de mon mari, il y avait une grande joie dans trente maisons, parce que dans le lit de maître Pignon, un tout petit enfant venait de naître, tout juste à la pointe du jour, le matin de Pâques ! Va Marius Pignon, tu as les dents pointues, mais n’essaie pas de mordre la pierre. Cet enfant, tu ne l’auras pas. Il est planté en haut d’une famille comme une croix sur un clocher !

20. Dom juan -> International
Quoi ? Tu veux qu’on se lie à demeurer au premier objet qui nous prend, qu’on renonce au monde pour lui? La belle chose que d’être fidèle, et d’être mort à toutes les autres beautés qui peuvent frapper nos yeux : non, non, la constance n’est bonne que pour des ridicules, toutes les Belles ont droit de nous charmer, et l’avantage d’être rencontrée la première. J’aurais beau m’engager, l’amour que j’ai pour une belle, ne devrait pas m’empêcher de faire justice aux autres! Tout le plaisir de l’amour est dans le changement. On se bat pour gagner leur cœur et lorsqu’on en est maître une fois, il n’y a plus rien souhaiter. Je me sens un cœur à aimer toute la terre; et je souhaiterais qu’il y eut d’autres mondes, pour y pouvoir étendre mes conquêtes amoureuses.

21. Marie-Ange -> Québécois
Je voulais t’attendre, t’attendre tant qu’il faudrait, malgré le vide que j’avais dans la tête, à force d’être privée de te voir, d’entendre ta voix, de t’embrasser… Toi, tu avais seulement à te battre contre toi-même. Tandis que moi, au lieu de m’aider à me tenir debout, tout le monde ici me poussait, m’étourdissait d’objections, me prouvais que j’avais tord de t’attendre, que j’étais trop jeune pour savoir si je t’aimais. Ils m’ont rendus malade à me répéter que tu m’oublierais à la guerre et que tu me reviendrais jamais… Il me l’ont répété, tellement, sur tous les tons et de tous les côtés, qu’à la fin, ils sont venus à bout de me faire douter de toi comme j’aurais douté du ciel. Je t’ai trompé, je ne suis plus digne de toi… mais tu sais que je t’aime ! tout ça est arrivé si vite…

22. Joanne-> Québécois
J’s’rai même pas capable de faire une coiffeuse ! Chus trop narveuse ! J’étais trop narveuse pour continuer l’école, ça fait qu’y m’ont dit d’apprendre un métier… Mais chus pas capable de rien faire ! Ça sert à tien ! Chus pas capable de faire une coiffeuse ! J’peux pas me sarvir de mes deux mains, j’pense toujours à d’autre choses quand je travaille ! Chus pas capable de fixer mon attention sur c’que je fais ! Y’a quelque chose dans ma tête qui décroche tout le temps… Si au moins j’étais intelligente comme moman, j’essayerais de m’en sortir… Mais non, il fallait que j’aie la tête de mon père… Chus pus capable de rien faire !

23. Catherine -> Internatoinal
T’as voulu changer le monde et t’as toujours trouvé anormal de te faire une tasse de café calmement le matin. T’est plus capable d’entendre les discours que t’entends depuis quinze ans, mais t’en veux encore parce que t’es pas capable de faire autre chose. T’es malheureux à crier, mais, plutôt que de changer, tu t’acharnes contre moi parce que tu supportes pas que je sois moins malheureuse que toi. Tu vis juste pour ton métier, tu vis par pour toi ; t’es juste un journaliste, t’es pas un homme. T’as jamais été intéressé à apprendre autre chose… jamais !
J’ai essayé, mon dieu oui, j’ai essayé de te rendre heureux. J’ai été maladroite, c’est sûr. Puis inconsciente, et puis sèche. Mais de te voir battre et te débattre dans un trou noir, comme un chien enragé qui ne sait pas quelle maladie il a et te battre contre moi qui te demande plus grand-chose. C’est ça que je trouve le plus souffrant. J’ai perdu ce que j’aimais le plus au monde. Et je peux plus rien faire d’autre que de m’en aller moi aussi.

24. Jacinthe -> International
Je sais pas comment t’as fait pour te garder la tête dans le sable tout ce temps-là. C’est pas juste avec Marco. Le centre est au bord de la ruine pour la même raison. Je parle de toi… de ton aveuglement… t’est pas capable de vivre avec toi-même. Tu veux pas voir que tu es un homme sans âme. Tu m’aimes pas Eddy. Pas moi.. Juste ce que je représente. Pis Marco, tu voudrais qu’ils soit un artiste mais tu refuses de le laisser crier. Son cri t’obligerait à faire face au vide en dedans de toi. C’est pas avec ton nouveau centre culturel que tu vas pouvoir racheter tes fautes. Le nouveau centre, ce sera une plus grosse cage dans laquelle tu voudras t’enfermer. On nourrit pas la créativité avec du ciment. T’as raté ton coup Eddy. En tant que directeur général, en tant que mari et en tant que père.

25. L’anti-monologue -> International
Non! Je m’en vais! Cela m’agace! Il y a là, à côté, ce grand blond, vous savez, ce grand blond qui dit des monologues… Eh bien! il en dit un en ce moment!…
Des monologues! Si j’étais politicien, je les interdirait ! Un homme raisonnable ne parle pas tout seul: il pense, et alors il ne parle pas! C’est ce qui le distingue des fous qui parlent et qui ne pensent pas. Ça me rend malade! Quelqu’un vient nous débiter un monologue… De quel droit? Qui est-ce qui lui demande quelque chose? Enfin, c’est comme si je venais vous en dire un, moi! Hein! Qu’est-ce que vous diriez? Eh bien! Nous sommes du même avis. Ah! si jamais je venais comme cela, à propos de rien, vous raconter mes petites affaires, je voudrais que chacun de vous se levât et me criât: “Allez-vous-en! allez-vous-en!”
Monologue dit par Coquelin Cadet.

26. L’aveugle -> International
Bon, ça fait trois arrêts qu’on passe. C’est vraiment plein, c’est fou… Merde, j’ai levé les yeux au ciel. J’espère qu’on ne me regarde pas. Ridicule ! On me regarde, c’est sûr : on regarde toujours les aveugles. Tiens… Il y en a deux qui se chicanent. Un jeune homme qui se plaint. Ils ont des yeux et ne s’en servent pas. «Mais non ! Espèce de con ! T’as qu’à avoir les pieds moins longs !» C’est drôle comme phrase, et comme il la dit. T’as qu’à avoir les pieds moins longs… non… en plus court : T’as qu’à voir… Qu’à voir?… Moi, je vois rien, de toute façon. Oups ! J’espère que je n’ai pas soupiré trop fort ou trop grimacé. Il faut que j’arrête de penser devant les gens. J’ai oublié de compter… Est-ce que je demande mon chemin ?… Non, je vais le reconnaître au tournant. Espérons qu’on l’a pas déjà passé… Merde, c’est le terminus. J’en peux plus… Pourquoi je n’ai pas cette chance, pourquoi dois-je vivre dans le noir.
Auteur inconnu.

27. Incendies -> Québécois. expression internationale
Comment pouvez-vous la prendre au sérieux ? Je veux dire pendant dix ans elle passe ses journées au palais de justice à assister à des procès sans fin de tordus, de vicieux et d’assassins de tous genre : Puis, du jour au lendemain, elle se tait, ne dis plus un mot ! Jamais pendant des années ! Cinq ans sans parler, c’est long ! Plus une parole, plus un son, plus rien ne sort de sa bouche ! Elle pète une fuze si vous préférez et elle s’invente un mari encore vivant, mort depuis des lustres et un autre fils qui n’a jamais existé, parfait fabulation d’un enfant qui n’a jamais existé ! Et elle veut que moi, j’aille le chercher ce fils qui n’existe pas ? Si vous êtes capable de me faire croire qu’il s’agit de là des dernières volontés de quelqu’un qui a toute sa tête !
Incendies Wadji Mouawad

28. Tarzan -> Québécois
Vous pourriez pas vous passe de moi, tu le sais bien. Vous seriez toujours des inférieurs, des soldats sans grades que les officiers maltraitent. Vous connaîtrez jamais l’indépendance, vous profiterez jamais de rien. Vous prendrez votre temps à penser aux autres. La vérité, c’est qu’y a que moi de vrai ici, y a que moi de vraiment voleur. Vous autres, vous vous amusez si tu veux le savoir, vous rêvez d’être voleur mais vous êtes pas vrais. Tu me fais rire de plus en plus. Mes mains sont sales, mes doigts sont croches. Mes mains sont des vraies mains de voleur. Et des mains de voleur, c’est habile. Vous, vous n’êtes rien ! Rien sans moi.
Zone, Marcel Dubé

29. Lucifer -> International
Le Monstre : Ô calomniateurs, voyez avec quelle assurance nous sommes parvenus à déjouer vos plans ! Voyez à quel point la fascination que nous exerçons sur vous est puissante. Vous voulez nous oublier, vous cherchez à tuer vos démons, mais nous sommes inscrits dans votre nature. Quoi que vous fassiez, jamais vous ne vous séparerez de nous. Vous séparer de nous ce serait perdre une partie de votre identité. Continuez vos exorcismes, persévérez dans votre effort si c’est ce à quoi vous aspirez, mais ne vous faites aucune illusion. Le Monstre est là, derrière chaque ombre, chaque carrefour de votre âme sinueuse. Il se repaît d’avance de l’angoisse que vous allez lui offrir sans même qu’il ait à se matérialiser autrement que par un souffle d’air. Nous sommes un
chat qui hurle, un radiateur mal vidangé, une coupure de courant. Nous sommes une idée qui traverse l’esprit d’un dictateur ou d’un écrivain. Nous sommes les témoins de la fuite effrénée de l’être humain contre lui-même, les preuves de son échec immuable. Et si par mégarde vous…

30. Phèdres, Jean Racine -> International

Hélas! Qu’un tel exil, Seigneur, me serait cher! Dans quels ravissements, à votre sort liée, Du reste des mortels je vivrais oubliée! Mais n’étant point unis par un lien si doux, me puis-je avec honneur dérobé avec vous? Je sais que sans blesser l’honneur le plus sévère, je me puis affranchir des mains de votre père : Ce n’est point m’arracher du sein de mes parents, et la fuite est permise à qui fuit ses tyrans.
Phèdres, Jean Racine


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