Excommunication des comédiens

Excommunication des comédiens

Milieu du XVIIe siècle. Typiquement française, cette excommunication est une décision d’évêque et non papale. Certains évêques français qui, dans les listes des ‘exclus de la communion’ (concubins, usuriers, sorciers, blasphémateurs…) glissent subrepticement les comédiens. C’est une conséquence directe de la professionnalisation et de la montée des femmes sur scène. Le harcèlement sexuel dont elles sont victimes de la part de spectateurs privilégiés, se retourne contre la profession entière. Dont la liberté de mœurs est cependant bien éloignée de la débauche de certains grands seigneurs.

Dans la pratique on laisse le curé seul juge de ce qu’il doit faire et sa tolérance est toujours grande en ce qui concerne la communion, le mariage et le baptême des comédiens et de leurs enfants. Seul l’inhumation normale, en terre sainte, pose problème. Le comédien (ou la comédienne) doit prononcer une phrase rituelle pour renier/abjurer son métier devant un prêtre : ‘Je promets à Dieu, de tout mon cœur, avec une pleine liberté d’esprit, de ne plus jouer la comédie le reste de ma vie, et quand même il plairait à son infinie bonté de me rendre la santé.’

Jean-Baptiste Poquelin, dit Molière (1622-1673), illustre homme de théâtre, subira aussi ces humiliations tout au long de sa vie.

En 1662, ayant gagné la faveur de Louis XIV, Molière devient le fournisseur attitré des divertissements de la Cour pour laquelle il organise, avec le compositeur Lully, de grandioses fêtes à Versailles. De la collaboration de Molière et Lully naît un genre nouveau, la comédie-ballet. En 1665, la troupe de Molière devient la « Troupe du Roy ». Néanmoins, son œuvre ne fait pas toujours l’unanimité. Son Tartuffe, qui attaque ouvertement les faux dévots, est en butte aux persécutions de la cabale des dévots, soutenue par la toute puissante Compagnie du Saint-Sacrement. D’interdiction en interdiction, de placet au roi en placet au roi, Molière met cinq ans à obtenir l’autorisation de jouer Tartuffe, mais il ne parvient pas à éviter la rancune du clergé.

Épuisé par le travail, les chagrins domestiques, la lutte incessante menée contre tous ceux qu’il a attaqués dans ses pièces (comédiens rivaux, gens de lettres, médecins et dévots), Molière meurt le 17 février 1673, à l’issue de la quatrième représentation du Malade imaginaire. L’Église lui refuse d’abord la sépulture religieuse, et il est inhumé presque clandestinement grâce à l’intervention royale.

Dans Le Gai savoir de l’acteur, Dario Fo évoque la censure drastique qui pesait sur les comédiens au XVIIe siècle :

« Un débat sur la question a révélé qu’une censure drastique a été opérée par les jésuites au XVIIe siècle. Alors, sur injonction venue d’en haut, disparaissent le comique, le démon, l’ivrogne, la femme encombrante : tous les personnages, en somme, qui créent la provocation et la dialectique.

Le débat a presque tourné à la rixe, mais il en est sorti deux constatations claires et irréfutables. Le pouvoir, quel qu’il soit, craint par-dessus tout le rire, le sourire, le ricanement. Car l’éclat de rire révèle le sens critique, la fantaisie, l’intelligence, le refus de tout fanatisme. Dans l’échelle de l’évolution humaine, nous rencontrons d’abord l’homo faber puis l’homo sapiens, et enfin l’homo ridens. Le plus subtil, celui qu’il est difficile de soumettre et de tromper. L’autre constatation, c’est que quand il s’exprime, le petit peuple (il popolo minuto), les gens simples ne peuvent s’empêcher, même dans les histoires tragiques, d’introduire l’humour, le sarcasme, le paradoxe comique. », Dario Fo, Le gai savoir de l’acteur , p. 156

.


Toutes les pages :


-- Télécharger Excommunication des comédiens en PDF --